MAGYD CHERFI-Catégorie Reine-un album poignant

Bonjour Magyd, merci de nous accueillir.

Merci à toi,

2017 est une année qui commence bien pour toi, une actualité brûlante, un nouveau livre « Ma part de gaulois » qui a reçu récemment le prix des Députés + le Prix du Parisien Magazine  et un troisième album « Catégorie Reine » qui vient tout juste de sortir le 31 mars dans les bacs.

Quel a été le déclic pour faire ce nouveau disque?

Il n’y a pas eu de déclic, juste l’envie de faire de la scène. Autant, je suis surtout quelqu’un de l’écrit plus que de la musique, autant la scène est un vrai plaisir pour moi. Il me faut donc des prétextes pour en faire….Parfois c’est la lecture ou bien la musique. C’est mon côté cabotin si tu veux !

Qu’est ce qui t’inspire le plus pour écrire tes chansons ?

Je crois que je suis dans une sorte de fatalité littéraire. Je suis tout le temps fixé sur la société, les exclus, les parias, les gens sur qui nous marchons, les gens qui ne s’en sortiront jamais, ceux qui à la naissance sont morts nés, les minorités, les faibles. J’ai cette obsession à vouloir parler d’eux, les mettre en lumière et de poser la question de cette fatalité- là. C’est ma trajectoire. Je suis fils d’émigrés algériens qui n’ont jamais vu la lumière de leur vie. Mon père a bossé comme bête de somme toute sa vie, ma mère a fait pareil.

Tu as fait une chanson d’ailleurs en son hommage…. « Tu »

Oui, tout à fait, absolument !

Ensuite ça m’a plu de regarder dans le détail de ces vies là et trouver une acuité singulière. Le « Tu » est accroché sur un mur depuis des années, sur le tutoiement. Je n’ai pas trouvé la piste et un jour Ah oui !  « Tu ». Je tricote et je fini par trouver un angle original qui parle de la discrimination.

Avec le titre « Ayo », tu lances un appel au monde de la musique. Aujourd’hui peut-on vivre uniquement de sa musique en France ou faut-il se diversifier ?

Ceux qui vivent de la musique aujourd’hui sont des privilégiés. Ceux qui perçoivent des droits d’auteur et autres droits dérivés. Une grande majorité vit de l’intermittence qui est une espèce de SMIC artistique. Et c’est 90 %…Quand tu fais de la musique et que tu ne vis que de l’intermittence tu es beaucoup un ouvrier et pas tellement un artiste. Moi je l’ai connu…tu gagnes très mal ta vie ! Un intermittent moyen gagne 1200 ou 1400 €/mois et il ne compte pas ses heures.

Qu’est ce qui a changé dans ta façon d’écrire aujourd’hui par rapport au début de ta carrière ?

Au début j’ai cru qu’il fallait être en colère (rire…) pour écrire ! J’écrivais des textes très coléreux, très vindicatifs. J’avais envie de dénoncer les injustices de la société. Alors que l’on peut dénoncer  avec du second degré, de l’humour, de la distance. Brassens a été critique, il a dénoncé beaucoup de choses tout en tranquillité. Depuis un moment, je suis débarrassé de l’agressivité ! Pas de l’intensité… Aujourd’hui, j’écris avec une forme de tranquillité mais qui ne m’empêche pas d’aller au fond des sujets. C’est certainement lié à l’âge et aussi au fait d’avoir eu un parcours positif. Toute l’aventure Zebda nous a apporté énormément de satisfaction, intérieure au moins (rire…). J’essaie de faire cohabiter la sagesse et le fond de noirceur de notre société.

Les gens tristes (duo avec Olivia Ruiz), pourquoi avoir choisi de partager cette chanson là avec Olivia ?

C’est avant tout le seul duo que j’ai fait ! C’est un privilège d’avoir Olivia à mes côtés parce que j’aime beaucoup cette fille. Elle m’a toujours paru d’une intégrité incroyable, d’une honnêteté intellectuelle…Cette honnêteté qu’elle a de dire les choses sans détour. Je l’ai rarement trouvée chez les gens, ça m’a beaucoup plu. Je me disais qu’elle avait certainement envie d’être sur un texte impliqué. Et là, j’avais ce texte qui décrivait le désespoir d’une société et comme le texte avait une belle gueule, je me suis dit que je pouvais peut-être  la convaincre. Elle a tout de suite aimé. Olivia a beaucoup d’affection pour nous, Zebda. Elle m’a toujours dit qu’elle aimait les textes que j’écrivais. Cela m’a encouragé à faire la démarche.

Y a-t-il une passerelle entre ton dernier livre « Ma part de Gaulois » sorti en Aout 2016 et Catégorie Reine, ce nouvel album ?

Cet album est la BO du bouquin. Ils auraient dû sortir au même moment. Pendant que j’écrivais le roman je me disais tiens, ce thème, je vais le travailler en chanson et au fil des années j’ai extrait des thèmes du livre.

Qu’est ce qui a changé dans la société française depuis les années 1980 selon toi ?

J’ai plutôt regardé ce qui n’a pas changé. C’est plutôt ça qui me stupéfait ! J’étais dans des luttes, des espoirs et des combats il y a 30 ans, j’avais 20 ans. Trente ans plus tard, les mêmes combats sont là comme si nous ne les avions même pas déployés ; le chômage, les discriminations envers des populations bien définies. Les seuls bouleversements sont les technologies, l’informatique.

Quelques questions pour mieux te connaître. Quel est ton plat préféré ?

Le couscous et le cassoulet (rire…)

Qu’est que tu aimes le plus dans la vie ?

Être dans le mouvement de l’écriture, l’instant d’inspiration. Le moment où l’on sent que l’on va noircir les feuilles. Le moment où l’on est supérieur à soi-même. Ça arrive par moment, ce n’est pas tout le temps.

Quelle équipe de football soutiens-tu ?

L’équipe de France !

Si je rencontrais tes proches et que je leur demandais qu’ils me donnent 3 mots pour te caractériser, à ton avis, que diraient-ils ?

Dans mes proches, tu auras l’un et le contraire. Tu auras, c’est le pire des traitres et en même temps, celui sur lequel on peut absolument compter.

A quoi vont ressembler les prochains mois pour Magyd Cherfi ?

Avec le succès de mon livre, toutes sortes de portes s’ouvrent. J’ai envie de faire un film, du théâtre, un one man show, j’ai envie de partir en tournée, d’écrire d’autres livres. J’aimerais bien écrire une chanson pour Johnny Hallyday mais il ne m’appelle pas et il ne m’appellera pas. Johnny, c’est un exercice excitant ! Justement parce que ce n’est pas moi. J’ai quand même le rêve d’écrire pour quelqu’un qui ne soit pas moi. Pour dire les choses, mon écriture est militante. J’aimerais changer d’univers.  A partir du mois de mai, je suis en tournée pour une trentaine de dates.

Merci Magyd, pour ta gentillesse. Nous avons hâte de te découvrir sur scène avec ce tout nouvel album.

Merci

magydcherfi.com